50 ans après Les Dents de la mer, on rétablit la vérité sur les requins
50 ans après Les Dents de la mer, on rétablit la vérité sur les requins
Le célèbre Dents de la mer, sorti en été 1975, a engendré un monstre. Je ne parle pas du requin animatronique qui attaquait des bateaux et terrorisait de paisibles vacanciers fictifs. Non : je parle de l’idée monstrueuse selon laquelle les requins sont des chasseurs assoiffés de sang qui s’en prennent gratuitement aux humains.

Car cette représentation des requins est tout simplement fausse. Malheureusement, elle a eu des répercussions durables en matière de conservation marine, dans le monde entier. Deux mois après la sortie du film, qui a enregistré des recettes record, le grand public s’est mis à nourrir une méfiance accrue à l’égard des vrais requins qui évoluent en eaux côtières. Les spécialistes de la conservation ont alors été contraints de lutter contre la désinformation, en dissipant les craintes et en sensibilisant le public au rôle important que tiennent les requins dans l’écologie.
Néanmoins, le succès des Dents de la mer a également conduit de nombreuses personnes à s’intéresser davantage aux requins.[SB1]
Les attaques de requins sont-elles fréquentes ?
Chaque fois qu’un requin est aperçu non loin d’une plage, il suscite inquiétude et curiosité. Pourtant, même si les requins tendent à s’aventurer de plus en plus près des côtes sous l’effet du changement climatique, les attaques demeurent extrêmement rares.
En moyenne, 64 morsures de requins sont recensées chaque année dans le monde. Ces morsures s’avèrent mortelles dans 9 % des cas, ce qui correspond à six décès par an.
Les humains ne font pas partie du régime alimentaire habituel des requins, qui préfèrent largement se nourrir de poissons et de mammifères marins. On sait que les requins ne s’approchent des humains que par curiosité ou par méprise, lorsqu’ils les confondent avec d’autres proies, ce qui explique qu’il y ait de rares attaques accidentelles.
Une multitude d’autres risques plus courants, tels que les accidents de la route, les attaques de chiens ou même la foudre, s’avèrent bien plus mortels que les attaques de requins. Ainsi, une personne a 75 fois plus de risque d’être tuée par la foudre que par un requin… Les feux d’artifice, qui font en moyenne 11 victimes par an, sont également plus dangereux que les requins.
Les humains sont les plus gros prédateurs des requins (et pas l’inverse)
Les requins représentent donc une menace minime pour les humains. Et si l’on regardait la situation dans l’autre sens ? Les humains tuent chaque année 100 millions de requins rien que dans le cadre de la pêche commerciale, ce qui correspond à environ 190 requins par minute. D’après les sociétés de pêche, ce total n’est pas entièrement intentionnel, puisque près des trois quarts des requins victimes de la pêche sont en réalité des prises accidentelles, également appelées captures accessoires. Toutefois, certains produits comme les ailerons de requins génèrent des profits si importants que l’on peut douter que les captures accessoires soient le véritable problème.
La surpêche, qui est la plus importante menace qui pèse sur les requins, est en partie motivée par la peur que les requins nous attaquent, mais aussi par la demande croissante de viande de requin et de raie, qui a doublé depuis 2005. Depuis les années 1970, les populations de requins et de raies ont chuté de plus de 70 %.

La chasse aux requins alimente le commerce mondial de viande, de peau, d’ailerons et d’huile de foie de requins (utilisée en cosmétique). Dans certaines parties du monde, les petits requins sont même utilisés comme jouets à mâcher pour les animaux de compagnie. En outre, de nombreuses communautés rurales chassent des requins pour se nourrir ou pour en tirer des revenus de subsistance.
Mais la situation commence à évoluer. En 2019, la Chine a interdit la pratique de la pêche aux ailerons, qui consiste à capturer des requins pour leur couper les ailerons puis à les relâcher ainsi dans l’océan, voués à mourir de leurs blessures. La demande d’ailerons de requins a globalement baissé au cours des vingt dernières années. Aux États-Unis, la chasse au grand requin blanc est interdite depuis le début des années 1990.
Grâce au plaidoyer d’IFAW et d’autres organisations de conservation, une avancée majeure a été obtenue en 2022, lorsqu’une protection accrue a été accordée à près d’une centaine d’espèces de requins et de raies dans le cadre de la CITES, la convention internationale sur le commerce des espèces sauvages. Mais notre combat ne doit pas s’arrêter là. En novembre prochain, les parties à la CITES se réuniront à nouveau à l’occasion de la COP20 pour examiner de nouvelles propositions visant à renforcer la protection accordée à plus de 70 espèces de requins et de raies. Parmi les nouvelles règles proposées figurent l’interdiction totale du commerce international de requins-baleines, de requins longimanes, de raies mantas et de raies aigles.
La surpêche a entraîné le déclin de plus de 90 % des espèces de requins. Aujourd’hui, plus des deux tiers des espèces de requins et de raies sont menacées d’extinction. Les protections juridiques accordées par la CITES sont donc vitales pour éviter l’extinction des requins et préserver leurs habitats marins.
Comment se prémunir contre les attaques de requins
Les attaques de requins sont rares et ne sont quasiment jamais mortelles. De plus, la probabilité de rencontrer un requin en se baignant à la plage est extrêmement faible. Mais si vous êtes encore traumatisé(e) par les Dents de la mer, voici quelques conseils pour vous prémunir contre les attaques de requins :
- Ne vous baignez jamais seul(e) : un requin s’attaquera plus facilement à un baigneur isolé qu’à un groupe
- Ne vous éloignez pas trop du rivage, afin que les sauveteurs arrivent à vous le rapidement possible en cas de problème
- Évitez de vous baigner la nuit, car c’est là que les requins sont les plus actifs
- N’allez pas dans l’océan si vous saignez
- Ne portez aucun bijou qui brille : en reflétant la lumière, ils ressemblent à des écailles de poissons
- Évitez de vous baigner à proximité de sites de décharges, d’égouts et d’activités de pêche
- Soyez particulièrement prudent(e) en eaux troubles
- N’autorisez pas vos animaux de compagnie à aller dans l’eau
- N’essayez jamais d’approcher ou d’intimider un requin
Rendre les océans plus sûrs pour les requins
Steven Spielberg, le réalisateur des Dents de la mer, a révélé que s’il n’avait pas peur de se faire dévorer par un requin, il s’inquiétait en revanche de l’impact qu’avait eu son film sur les populations de requins et sur leur perception par le grand public. Cet impact ne concerne pas que les requins : il touche aussi les êtres humains et la planète entière. Car, tout comme les requins, nous avons besoin d’écosystèmes océaniques en bonne santé, qui nous apportent des sources de nourriture, produisent une grande partie de l’oxygène que nous respirons et contribuent à la régulation du climat.
Voilà pourquoi IFAW s’engage à rendre l’océan plus sûr pour tous les animaux qui y vivent, y compris les requins. Même si ce ne sont pas des animaux « mignons » à nos yeux, les requins méritent la même attention et la même protection que n’importe quel autre animal. Alors, si vous prévoyez de voir ou de revoir Les Dents de la mer cet été et que vous espérez que de vrais requins continueront de peupler nos océans à l’avenir, n’hésitez pas à faire un don pour soutenir nos actions en faveur de la conservation des requins.
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