Projet de sauvegarde et de réhabilitation des éléphants au Burkina Faso
quand la vie d’un éléphanteau fait une différence éléphantesqueNania : ce que les analyses ADN nous révèlent
Nania : ce que les analyses ADN nous révèlent
Lorsque le SARS COV 2 a frappé le monde, le plongeant dans un état de sidération profond et le rétrécissant soudain à nos lieux de vie, nous avons très vite compris que nous devions accélérer le sevrage de Nania. Découverte en septembre 2017, seule, déshydratée, errant près d’un village alors qu’elle était âgée de trois mois, la demoiselle, du haut de ses trois ans, était désormais prête à passer ce cap avec l’aide de ses quatre gardiens, Idrissa, Souleymane, Salif et Abdoulaye.
Nous devions aussi organiser l’envoi des échantillons de crottins d’éléphants sauvages que nous avions collectés et référencés au cours des mois précédents. Bien que n’ayant plus de visibilité sur l’avenir, nous étions convaincus d’une chose : nous ne pouvions pas baisser les bras et voir nos efforts anéantis par ce virus. Nous devions honorer notre promesse faite à Nania : rechercher sa famille.
Trouver des réponses dans les excréments d’éléphants
Conservés jusqu’alors comme un trésor dans un congélateur de la ville de Boromo, ce n’est que fin octobre 2020 que les 17 premiers tubes à essai contenant les échantillons de crottins avec, pour l’un, le matériel génétique de Nania et pour les autres, celui de quelques-uns de ses congénères sauvages, ont pu quitter le Burkina pour rejoindre les microscopes du centre de biologie de la conservation basé à Seattle, au sein de l’Université de Washington.
D’un poids de 2 kg, le colis était en réalité bien plus lourd. Nos espoirs, nombreux, s’y étaient engouffrés. Ainsi que nos interrogations : les échantillons étaient-ils de bonne qualité ? N’étaient-ils pas pollués suite à une erreur de manipulation ? N’avaient-ils pas trop souffert de la chaleur avant d’être congelés ? Etaient-ils porteurs d’une correspondance avec Nania ? Nous savions que nous devions patienter plusieurs mois avant d’obtenir des réponses.
Les résultats des analyses ADN
Puis Février 2021 est arrivé et, avec lui, le rapport d’analyses ADN tant attendu. Il débutait ainsi :
" Notre meilleure inférence est que Nania est la fille de l’éléphant qui a produit l’échantillon de crottin 21. "
Je ne cessais de relire cette phrase m’attachant à la portée de chacun des mots, m’attardant peu sur la mention rappelant que même si la probabilité était faible, on ne pouvait exclure que l’éléphant 21 et Nania soient demi-sœurs par leur père. Je préférais opter pour la probabilité forte : celle d’un lien maternel.
Je fus alors submergée par une vive émotion. La maman de Nania était en vie ! L’ADN mitochondrial dont chaque être vivant hérite uniquement de sa mère et qui permet ainsi d’étudier ce lien de filiation, avait parlé.
En vérifiant les données géographiques et la date de prélèvement de l’échantillon 21, je réalisais que cet éléphant était passé à 200 mètres de la zone de Nania. Sans doute cette femelle s’était-elle rendue au plan d’eau, un haut lieu de fréquentation et de rencontre des éléphants du parc, notamment la nuit. Nania n’était plus orpheline. Des membres de sa famille fréquentaient le parc en saison sèche et sa maman était là, quelque part, non loin d’elle…Peut-être nos pièges photographiques l’avaient-ils saisie ? Etait-ce elle dont nous avions un magnifique portrait nocturne ?
Nania : ce que les analyses ADN nous révèlent
Nania, 100% éléphant de forêt
Cette analyse ADN a aussi révélé une autre information capitale : l’espèce à laquelle appartiennent Nania et les siens. Si les éléphants de forêt se rencontrent essentiellement dans le bassin du Congo, Nania nous prouve que leur aire de répartition s’étend aux pays du Sahel où ils côtoient les éléphants de savane.
Longtemps considérée comme une sous-espèce, l’éléphant de forêt a enfin été reconnu par la communauté scientifique comme espèce à part entière (Loxodonta cyclotis) en mars 2021 avec, cependant, le statut d’être ‘en danger critique’ d’extinction.
Avec cela en tête, la recherche de la harde de Nania fait partie d’une histoire plus vaste : Nania porte les espoirs de survie de son espèce. Son retour à la nature sauvage, auprès de ses congénères, permettra une plus grande diversité génétique et le renforcement des populations d’éléphants sauvages.
Cette excellente nouvelle de l’existence d’une correspondance ADN nous a convaincus qu'il était temps de donner à notre protégée la permission de minuit ! S’aventurer hors du boma à la nuit tombée et interagir avec les éléphants sauvages permettront à Nania de gagner en confiance. La route est encore longue, mais nous, sa famille de substitution, continuerons de la guider vers les siens car au sein d’IFAW, nous savons qu’un seul animal peut faire toute la différence.
- Céline Sissler-Bienvenue, Directrice d'IFAW France et Afrique francophone
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