Projet de sauvegarde et de réhabilitation des éléphants au Burkina Faso
quand la vie d’un éléphanteau fait une différence éléphantesqueà la recherche de la maman de Nania
à la recherche de la maman de Nania
Je ne reconnais plus le parc. La dernière fois que je m’y suis rendue, le sol y était sec et fissuré. Les graminées, brûlées par l’harmattan, ce vent chaud venu du Sahara, conféraient à la savane des Deux-Balé sa couleur si caractéristique allant du jaune pâle aux teintes mordorées.
Aujourd’hui, c’est au sein d’une végétation luxuriante et vert émeraude que je cherche Nania du regard. Aux côtés de Whisty, son amie brebis, c’est ‘pieds dans l’eau’ qu’elle se délecte des hautes herbes inondées par les dernières pluies torrentielles qui se sont abattues sur le parc et ses alentours. Concentrée, Nania sélectionne de préférence les jeunes pousses. Tendres, plus digestibles et de qualité nutritionnelle élevée, elles lui apportent les minéraux, vitamines, acides aminés et autres nutriments dont elle a besoin en supplément des 16 litres de lait qu’elle boit chaque jour. Nania les entoure de sa trompe devenue experte et les arrache d’un coup vif pour les porter à sa bouche et les mastiquer avec gourmandise. Elle semble heureuse.
Chaque jour, les attitudes et le comportement de Nania sont observés à la loupe afin de nous assurer qu’elle évolue comme le ferait un éléphanteau sauvage. En pleine forme grâce aux soins prodigués par ses quatre gardiens et la présence apaisante de Whisty, elle s’affirme et devient de plus en plus autonome. Mais nous avons conscience que c’est auprès des siens, entourée de son troupeau et encouragée par sa maman, que son apprentissage visant à explorer son habitat à la recherche de nourriture, se baigner, s’enduire de boue ou jouer devrait se faire. Au sein d’IFAW, nous avons donc décidé de faire preuve d’audace et relever un défi de taille : nous mettre en quête de ses origines et retrouver sa famille.
Comment ? En faisant appel à la science et en ayant recours aux tests génétiques à partir des bouses d’éléphants sauvages collectées à proximité de lieux fréquentés par Nania. Les échantillons de bouses conservés dans des tubes à essai seront envoyés vers un centre de recherche et d’analyse spécialisé en biologie de la conservation aux Etats-Unis. Les ADN extraits de ces échantillons seront alors comparés à l’ADN de l’éléphanteau dans l’espoir d’identifier une concordance témoignant d’un lien de parenté étroit. La tâche est ardue et mobilisera chacun d’entre nous mais elle est porteuse d’espoirs tant pour l’avenir de Nania que pour celui des éléphants sauvages du parc.
Ces derniers mois, les pluies abondantes ont effacé toute trace de leur présence. Fidèles à leur instinct migrateur, ils ont déserté notre zone et sont allés magnifier, pour un temps seulement, d’autres territoires. L’eau s’est engouffrée dans les empreintes qu’ils avaient laissées près du plan d’eau où Nania se baigne et s’improvise tantôt sirène, tantôt sous-marin, sous l’œil interrogateur de Whisty. Je sais qu’ils seront bientôt de retour, c’est une question de jours, mais, en cet instant, si loin d’eux, Nania m’apparaît plus orpheline que jamais.
Il y a vingt ans plus d’une centaine d’éléphants sillonnaient les 56 000 hectares du parc. Désormais, seuls trente à quarante d’entre eux ayant survécu au braconnage, au surpâturage et aux conflits avec les communautés riveraines, occupent les lieux…dont, peut-être, la maman de Nania.
Céline Sissler-Bienvenu
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