Sauvons la baleine franche de l’Atlantique Nord
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des équipements spécialisés pour suivre les baleines franches de l’Atlantique nord
Au large de Fernandina Beach, en Floride, le Dr Oliver Boisseau et ses collègues se préparent à dérouler un long câble dans l’océan. À l’extrémité, trois tubes remplis d’huile contiennent des hydrophones, des microphones très sensibles conçus pour capter les sons sous-marins. Ils écoutent les baleines franches de l’Atlantique Nord, une espèce en danger critique d’extinction.
Oliver Boisseau est le responsable scientifique du Song of the Whale, un navire de recherche qui effectue actuellement une mission de plusieurs mois le long de la côte nord-est des États-Unis. L’un des objectifs de l’équipe est de localiser et de compter les baleines franches femelles et leurs petits.
Ce n’est pas une tâche aisée. Les baleines franches de l’Atlantique Nord, bien que gigantesques, sont très difficiles à trouver. Elles passent la plus grande partie de leur temps sous l’eau, n’émergeant que rarement à la surface. En plus, on compte moins de 340 individus restants sur la planète aujourd’hui.
Malheureusement, les humains ne les voient généralement que lorsque ces baleines sont tuées par des dispositifs de pêche obsolètes ou heurtées par des navires rapides.
Bien que les actions humaines poussent ces baleines vers l’extinction, ces actions peuvent également les protéger et assurer leur conservation. Mais il est difficile de savoir quels changements apporter si leurs schémas de migration et leurs lieux de prédilection restent un mystère.
La meilleure chance qu’ont les scientifiques de trouver ces baleines insaisissables est d’entendre les cris, les clics, les gémissements et les chants qu’elles émettent dans l’eau.
écouter les baleines franches
C’est pour cela que le Song of the Whale dispose d’un équipement audio de pointe capable d’écouter les grands mammifères marins. « Les baleines franches et les autres baleines à fanons (celles qui n’ont pas de dents) produisent souvent des vocalisations à très basse fréquence, parfois même inaudibles pour l’humain, explique le Dr Boisseau. »
Dans la cabine de recherche du navire, une sonnerie retentit toutes les 15 minutes afin de rappeler aux scientifiques à bord qu’il faut écouter. « Il est préférable d’écouter au minimum plusieurs fois par heure pour vérifier que tout va bien avec les hydrophones, ajoute le Dr Boisseau. »
En traînant derrière le navire, les hydrophones captent les bruits sous-marins et les transmettent à des ordinateurs de bord équipés d’un logiciel capable de les distinguer des bruits de fond. Si une baleine pousse un cri à proximité du navire, ces moniteurs affichent les fréquences de ce cri sous la forme d’une série de pics et de creux sur un graphique appelé spectrogramme, qu’Oliver Boisseau peut analyser tout en l’écoutant à l’aide d’un casque.
L’algorithme de l’ordinateur est si sophistiqué qu’il peut identifier les signatures de différents types de cris de baleines franches de l’Atlantique Nord, tels que l’« upcall » (qui ressemble à un gazouillis court ou à un « whoop ») et leur attribuer des notes comprises entre 0 et 12 en fonction de leur similitude avec des cris connus de l’espèce.
« Nous pouvons l’entendre avec nos propres oreilles, ajoute le Dr Boisseau, mais il est toujours utile d’avoir une vérification indépendante, et c’est ce que nous apporte ici l’informatique. »
Spectrogramme et audio de deux appels de baleines franches de l'Atlantique Nord.
des recherches non invasives
Cette technique implique que le navire de recherche lui-même n’introduise pas de bruit de fond important susceptible de masquer les sons émis par les baleines. Selon le skipper Richard McLanaghan, directeur de Marine Conservation Research International, qui dirige le programme Song of the Whale depuis 30 ans : « Si vous utilisez des hydrophones qui traînent derrière le bateau, il est très important que la plateforme à partir de laquelle vous travaillez soit aussi silencieuse que possible. »
Heureusement, le Song of the Whale est l’un des navires de recherche les plus silencieux sur l’eau, grâce à son hélice à cinq pales spécialement conçue (normalement pas utilisée sur un voilier) et à des matériaux et des supports insonorisants et antivibrations supplémentaires pour les moteurs et les propulseurs. Le navire, conçu sur mesure, est le fruit des efforts d’une grande équipe d’architectes navals, de spécialistes de la construction navale, de manufacturiers, de fabricants de voiles et de techniciens.
Le silence du navire signifie également qu’il ne nuira pas aux baleines franches en polluant l’océan avec des bruits sous-marins, qui peuvent avoir de graves conséquences pour les mammifères marins. La pollution sonore des navires perturbe ces animaux et interfère avec leur capacité à communiquer avec les autres membres du groupe, leur progéniture et leurs partenaires potentiels.
« Au cœur du travail effectué par l’équipe du Song of the Whale depuis toujours, l’éthique centrale est que nous devrions développer et employer des techniques de recherche bénignes ou non invasives, explique Richard McLanaghan. »
À la fin des années 1990, Richard McLanaghan et le Song of the Whale ont collaboré avec IFAW, le Bioacoustics Lab de l’université de Cornell et d’autres organismes pour mettre au point un système de détection automatisé pour les environnements maritimes. Le résultat est un système de bouées équipées de capteurs acoustiques qui détectent les sons des baleines à proximité. L’un de ces systèmes est actuellement déployé dans les eaux de la Nouvelle-Angleterre et permet aux navires approchant les ports de Boston d’être alertés et déroutés si des baleines franches sont présentes.
Pour ce voyage, Richard McLanaghan et le Song of the Whale se sont de nouveau associés à IFAW.
détection thermique
Pendant ce voyage vers le nord, le Song of the Whale prévoit de s’arrêter au Duke Marine Lab pour se procurer une technologie de télédétection supplémentaire qui sera particulièrement utile la nuit : une caméra thermique.
Cette caméra spécialisée utilise la technologie d’imagerie infrarouge frontale (FLIR) pour créer des images à partir de données thermiques. Dans l’obscurité de la nuit, la caméra thermique peut localiser l’eau et l’air expulsés par les baleines franches et d’autres cétacés. Difficiles à détecter à l’œil nu la nuit, ces « souffles de baleine » sont captés par la caméra thermique parce qu’ils présentent une température plus élevée que l’air et l’eau environnants.
Pour accueillir le nouvel équipement, l’équipage construira un support sur mesure en haut du grand mât et équipera la cabine de recherche de capacités informatiques et de câblages supplémentaires.
Savoir où se trouvent les baleines franches est une partie essentielle du puzzle permettant de savoir comment les protéger au mieux.
Ces recherches contribueront à combler des lacunes importantes dans les connaissances sur l’espèce. Mais surtout, elles nous aideront à comprendre comment réduire les dangers mortels auxquels ces baleines sont confrontées chaque jour, afin que nous puissions les éloigner une fois pour toutes de l’extinction.
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