les pangolins : ces jardiniers de l’écosystème qu’il faut protéger

Les pangolins ne sont pas n’importe quel mammifère. Les huit espèces vivantes de pangolins donneraient du fil à retordre à l’ornithorynque dans un concours de l’animal le plus fantaisiste. Ces mammifères timides et solitaires sont vêtus, de la tête à la queue, d’une armure d’écailles de kératine qui se chevauchent, évoquant des images de reptiles anciens ou le résultat d’une relation amoureuse entre un tatou et un artichaut. Avec leur petite tête, leur mâchoire dépourvue de dents, leurs griffes en forme de faucille et leur langue collante qui peut atteindre la moitié de la longueur de leur corps, les pangolins sont de véritables merveilles de la biologie.

essentiels à la santé des écosystèmes

Au-delà de leur physiologie unique, les pangolins rendent des services écosystémiques indispensables dans leurs habitats d’Asie et d’Afrique. Ils engloutissent des quantités massives de fourmis et de termites et creusent le sol pour créer des espaces de vie et accéder aux insectes dont ils se nourrissent. « En creusant des terriers, ils modifient les processus du sol, notamment en retournant la matière organique et en aérant le sol, explique Neil Greenwood, directeur du sauvetage des espèces sauvages chez IFAW. Ce sont, en fait, des petits jardiniers. »

Qui plus est, les terriers de pangolins abandonnés sont souvent utilisés par d’autres animaux qui partagent leurs habitats, ce qui constitue un autre avantage pour les espèces avec lesquelles ils partagent des espaces sauvages.

Pour satisfaire leur appétit démesuré, les pangolins s’attaquent également aux troncs pourris et aux termitières et extraient les rochers et la terre durcie dans les jungles et les savanes où ils vivent. Cela permet ainsi la décomposition mécanique des matières organiques et inorganiques, ce qui facilite le cycle des minéraux et des nutriments dans ces écosystèmes.

Neil Greenwood ajoute que les pangolins contribuent à la régulation des populations de termites et de fourmis grâce à leur appétit vorace. Selon certaines estimations, un pangolin adulte peut éliminer plus de 70 millions d’insectes par an, qu’il s’agisse de grillons, de mouches ou d’autres espèces d’insectes, en plus des fourmis et des termites. Une population de pangolins en bonne santé peut se révéler un puissant agent de lutte contre les nuisibles si on la laisse vivre librement.

les pangolins en péril

Leur apparence charismatique et leur utilité dans les écosystèmes qu’ils habitent cachent une triste réalité : on pense que les pangolins sont les mammifères qui sont les plus victimes de trafic dans le monde.

Les écailles uniques et les griffes impressionnantes des pangolins sont depuis longtemps utilisées dans la médecine traditionnelle ou comme ornement, et ces animaux sont également chassés pour leur viande dans leur aire de répartition naturelle. Leur peau sert à fabriquer des articles très demandés tels que des sacs, des ceintures, des bottes et d’autres produits en cuir. Comme de nombreuses espèces animales menacées, les pangolins subissent les conséquences de la destruction de leur habitat sur l’ensemble de leur aire de répartition, l’agriculture et d’autres activités humaines grignotant les espaces sauvages. Selon un ouvrage publié en 2020, plus de 890 000 pangolins ont été victimes du trafic à l’échelle mondiale entre 2000 et 2019.

Comme les pangolins ont peu de petits, généralement une seule fois par an, leur nombre à l’état sauvage a diminué au fil des ans. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a classé trois espèces de pangolins (le pangolin chinois, le pangolin javanais et le pangolin des Philippines) dans la catégorie des espèces en danger critique d’extinction. Trois autres espèces (le pangolin indien, le pangolin à petites écailles et le pangolin géant) sont considérées comme menacées d’extinction. Enfin, l’UICN a classé le pangolin de Temminck et le pangolin à longue queue dans la catégorie des espèces vulnérables.

Bien que la Chine ait adopté des lois visant à protéger les pangolins en 2020, notamment en interdisant l’abattage du pangolin de Chine et en proscrivant l’utilisation des écailles de pangolin dans la médecine traditionnelle, ce mammifère unique se trouve toujours sur une branche précaire de l’arbre de la vie. Sans changement du comportement humain et sans mesures de protection, ce jardinier unique en son genre pourrait disparaître à jamais.