Réduire le bruit dans les océans — Monde
pour sauver la vie marine, il suffit simplement de baisser le son.Pollution sonore sous-marine : de quoi s’agit-il et en quoi est-ce un problème ?
Pollution sonore sous-marine : de quoi s’agit-il et en quoi est-ce un problème ?
La pollution sonore sous-marine est une forme de pollution qui a de graves conséquences sur les espèces marines : source de perturbation et de désorientation, elle va jusqu’à entraîner des blessures et même des décès chez de nombreux animaux. Pourtant, il n’existe à ce jour aucune réglementation internationale visant à encadrer ce type de pollution. IFAW se bat pour que cela change.
Découvrez tout ce qu’il faut savoir sur la pollution sonore sous-marine, ses effets nocifs sur les espèces marines et ce qu’il est possible de faire pour minimiser son impact sur les océans et les animaux qui y vivent.
Qu’est-ce que la pollution sonore océanique ?
La pollution sonore sous-marine (ou océanique) est une forme de pollution environnementale provoquée par des activités humaines telles que le transport maritime, l’exploration pétrolière, l’imagerie sismique, la construction d’éoliennes en mer et l’utilisation de sonars militaires, qui génèrent un bruit excessif et non naturel dans le paysage sonore sous-marin. Cette pollution est particulièrement nocive pour les mammifères marins, puisqu’elle peut entraver leur capacité à percevoir les sons naturels de l’océan, déréglant ainsi leurs comportements naturels et réduisant leurs capacités de communication.
La navigation est l’une des causes directes de l’augmentation des bruits qui parasitent le milieu marin, sachant que plus de 250 000 navires parcourent aujourd’hui les océans du monde à tout instant donné. Un cargo peut émettre plus de 190 décibels, ce qui est bien supérieur au bruit d’un avion qui décolle et à peu près équivalent au niveau sonore d’un concert de rock. De plus, le son se déplace bien plus vite dans l’eau que dans l’air, donc l’augmentation du niveau sonore impacte les animaux et les habitats sous-marins à très vaste échelle.
En quoi la pollution sonore océanique est-elle un problème ?
La pollution sonore nuit aux espèces marines à de nombreux égards.
Elle entrave la communication des animaux
De nombreux animaux, tels que les dauphins, les baleines et les poissons, communiquent en émettant des sons. Lorsque des bruits constants d’origine non naturelle viennent masquer les sons qu’ils émettent, ces animaux ont beaucoup plus de mal à communiquer entre eux pour se retrouver, chasser ensemble et donner l’alerte lorsqu’ils détectent des prédateurs.
Elle désoriente certaines espèces
La pollution sonore océanique pose particulièrement problème aux animaux qui s’orientent à l’aide de l’écholocalisation, tels que les dauphins et les autres cétacés à dents. En effet, l’excès de bruit peut interférer avec les signaux envoyés et perçus par ces animaux, ce qui les désoriente et réduit leur capacité à trouver de la nourriture.
Elle peut provoquer des blessures
Au-delà de perturber certaines activités vitales, le bruit anthropique peut également occasionner des blessures. Les sonars militaires et les canons à air sismiques génèrent en effet des bruits très intenses, qui peuvent susciter un état de panique chez certains animaux. En cherchant à fuir ce bruit, les animaux peuvent remonter trop rapidement vers la surface, ce qui les expose à un accident de décompression et à des lésions des tissus dues aux bulles gazeuses qui se forment lorsque la pression diminue trop vite. Certains bruits particulièrement forts peuvent aussi provoquer des pertes d’audition ou même conduire certains animaux à s’échouer et à mourir.
Elle fragilise tout l’écosystème marin
En raison de la complexité et de l’interdépendance des écosystèmes océaniques, les conséquences directes de la pollution sonore sur une espèce auront des conséquences indirectes sur une autre. Par exemple, lorsqu’une baleine s’échoue sur une plage en raison d’un bruit soudain et intense provoqué par une activité humaine, cette baleine meurt sur la terre et non en mer, et son corps ne coule donc pas vers les fonds marins, comme cela aurait été le cas normalement. Les animaux des fonds marins qui se nourrissent des corps de baleines décédées perdent alors une source essentielle de nourriture.
Quels sont les animaux les plus impactés par les bruits sous-marins ?
Toutes les espèces marines sont affectées par la pollution sonore océanique dans une certaine mesure, mais certains mammifères marins, tels que les cétacés et les dauphins, le sont tout particulièrement. La pollution sonore sous-marine peut en effet altérer leur comportement de multiples manières, en les éloignant d’importantes zones d’alimentation ou de reproduction ou en les obligeant à modifier leurs trajectoires migratoires, au risque de se retrouver piégés dans des glaces marines ou de tomber sur des prédateurs.
La pollution sonore océanique entrave également leurs capacités de communication. En certains endroits, les dauphins et les baleines ont modifié leurs vocalises afin d’augmenter leurs chances de se faire entendre par-dessus la pollution sonore. Ce changement de vocalises fait qu’il est plus difficile pour des individus de la même espèce de se reconnaître entre eux et de trouver des partenaires. Il leur est également plus difficile de prévenir leurs congénères de la présence de prédateurs ou de proies à proximité.
Les dauphins, qui utilisent l’écholocalisation pour chasser et s’orienter dans l’océan, peuvent également s’égarer de leur pod (groupe) en raison de la pollution sonore sous-marine. En déplaçant ou en fragmentant les populations de dauphins, le bruit anthropique peut ainsi entraver les capacités de chasse et de reproduction de ces mammifères marins.
Les bruits intenses émis par les sonars navals militaires, par exemple, peuvent également causer des blessures aux baleines et aux dauphins. Lorsque ces animaux paniquent et tentent d’échapper aux bruits des sonars trop rapidement, ils courent le risque de s’échouer ou de souffrir d’un accident de décompression en remontant trop vite à la surface. Des hémorragies au cœur et au cerveau peuvent également apparaître dans les quatre heures suivant l’exposition à ce type de sonar.
La pollution sonore océanique touche également les poissons, les calamars et les tortues marines. Chez les poissons, elle peut entraîner des réactions de stress, perturber les schémas de nidification, altérer les capacités de coordination et d’orientation et endommager l’ouïe. Il est également prouvé que les études sismiques, qui consistent à localiser des gisements de pétrole et de gaz offshore à l’aide de puissants canons à air comprimé qui émettent des bruits pulsés à intervalles de 10 secondes pour mesurer l’écho renvoyé par les fonds marins, provoquent de graves lésions aux organes internes du calamar géant, par exemple. Cette technique peut également tuer le zooplancton dans un rayon de 1,2 kilomètre autour de chaque impulsion envoyée. Enfin, même s’il n’existe pas d’études approfondies sur les incidences de la pollution sonore sous-marine chez les tortues de mer, des pertes d’ouïe temporaires dues à l’exploration sismique ont déjà été observées chez ces animaux.
Vers une réglementation de la pollution sonore océanique
À l’heure actuelle, la pollution sonore en mer ne fait l’objet d’aucune réglementation internationale. Faute de normes mondiales, certaines autorités locales et même certains ports ont donc mis en place leurs propres règles. Le port de Vancouver, par exemple, propose des tarifs avantageux aux navires qui s’engagent à respecter ses normes environnementales. L’Union européenne, pour sa part, a récemment mis en place des seuils contraignants de pollution sonore sous-marine pour protéger les espèces marines et leurs habitats des effets néfastes du bruit anthropique. Les États membres de l’UE doivent à présent mettre à jour leurs stratégies marines en conséquence et prendre des mesures pour veiller à ce que le niveau sonore enregistré dans leurs eaux ne dépasse pas les seuils fixés.
Mais les institutions internationales commencent, elles aussi, à prendre conscience du problème. Ainsi, l’article 211 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui est le plus vaste accord international existant sur l’activité maritime et qui regroupe aujourd’hui 169 États parties, porte sur la prévention et la réduction de la pollution du milieu marin par les navires, sans toutefois préciser les mesures concrètes que doivent prendre les États parties en ce sens.
L’Organisation maritime internationale (OMI), l’institution spécialisée des Nations Unies chargée de la réglementation du transport maritime, a également mis en place des directives visant à réduire les bruits sous-marins produits par les navires de commerce afin d’atténuer les incidences néfastes de la pollution sonore anthropique sur la faune marine. Ces directives incluent différentes pistes de réduction des bruits, tant au niveau de la conception et de la construction des navires que de leur utilisation (mesures de réduction de la vitesse, par exemple). Malheureusement, la version originale de ces directives n’a pas été adoptée à grande échelle par les acteurs de l’industrie maritime. Une version révisée a donc été élaborée afin d’augmenter l’adhésion du secteur et de suivre l’efficacité des mesures prescrites. L’OMI a également approuvé la mise en œuvre, à partir de 2023, d’une phase d’étude visant à recueillir des données sur les meilleures pratiques et sur les enseignements tirés de l’application de ces directives relatives aux bruits sous-marins.
Chez IFAW, nous cherchons à rendre les océans plus sûrs et plus calmes en réduisant la pollution sonore, via des mesures de limitation de la vitesse des navires et des autres engins marins naviguant vers et depuis des ports européens. En abaissant les vitesses des navires d’environ 10 % à l’échelle mondiale, nous pourrions :
● Réduire la pollution sonore océanique d’environ 40 %,
● Réduire le risque de collisions de navires avec des baleines d’environ 50 %,
● Diminuer les émissions de gaz à effet de serre générées par la navigation maritime de 13 %.
Cette mesure toute simple peut donc entraîner des améliorations majeures, et nous sommes persuadés qu’elle aurait un impact immense sur la protection des espèces marines. Signez la pétition d’IFAW pour encourager les institutions européennes à adopter les « vitesses bleues » préconisées par notre campagne Blue Speeds.
Comment peut-on réduire la pollution sonore océanique ?
IFAW plaide depuis des années afin que des réglementations soient mises en place pour limiter la pollution sonore sous-marine. Plus de 100 000 personnes ont déjà signé la pétition que nous avons lancée dans le cadre de notre campagne Blue Speeds, qui vise à réduire les vitesses de navigation dans les eaux européennes.
Grâce aux efforts d’organisations comme IFAW, la Commission européenne a récemment fixé une limite contraignante de pollution sous-marine due aux activités humaines en mer. Ce seuil, fixé par un groupe d’experts spécialisés sur le sujet, permettra de réduire les impacts de la pollution sonore sur les espèces marines. Il appartient désormais à chaque État membre de décider des méthodes qu’il entend appliquer pour veiller à ne pas excéder ces limites. Chez IFAW, nous mettons en avant notre initiative Blue Speeds, une solution concrète et facile à mettre en œuvre pour respecter les nouvelles limites.
Il existe de nombreuses sources de pollution sonore océanique, et autant de façons de la réduire. Ce que l’on sait, c’est que le meilleur moyen de lutter contre la pollution sonore sous-marine est de baisser le son à la source. Pour l’exploration sismique, il faut donc utiliser des technologies plus silencieuses, telles que des vibrateurs sismiques, comme alternative aux canons à air comprimé. Pour la navigation, il faut chercher à optimiser la conception des moteurs des navires et à mieux les entretenir, tout en réduisant également les vitesses de navigation, afin de réduire le bruit à la source. Dans le secteur des énergies renouvelables, il faut remplacer le battage de pieux par d’autres techniques générant des impulsions sonores moins intenses.
Toutefois, de nombreux pays et organisations sont encore réticents à adopter des mesures de réduction de la pollution sonore, en raison du temps et des ressources que cela nécessite. C’est pourquoi l’instauration de règles internationales permettrait d’avoir un meilleur impact, car l’adoption de telles mesures deviendrait alors obligatoire. Signez notre pétition si vous êtes d’accord et, si vous le pouvez, faites un don pour soutenir nos actions de plaidoyer en faveur de la mise en place de normes internationales sur la pollution sonore océanique.
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